Cœur noir de Silvia Avallone
- murielmartinellaauteur
- 26 juin
- 3 min de lecture
J’ai bien aimé ce roman social qui favorise réflexion et prise de conscience sur le parcours de la rédemption.
Il est rare que l’écriture narrative oscille entre le je et la 3e personne du singulier dans un même roman. On comprend vite que celui qui parle à la première personne est Bruno, l’instituteur, installé en ermite depuis la mort de ses parents sur les hauteurs d’un petit village. Sa vie va être chamboulée par l’arrivée d’une mystérieuse Emilia qui débarque dans la maison voisine depuis longtemps à l’abandon. Il faut avoir envie de solitude, le besoin de se tenir éloigné du monde pour s’imaginer vivre ici. Qu’a donc vécu cette jeune femme ?
Très vite Bruno devine qu’Emilia porte la cicatrice à vif d’un secret terrible et destructeur. Comment ces deux naufragés de la vie vont-ils s’apprivoiser ?
Le rachat est-il possible quand pèse sur sa conscience un acte si monstrueux qu’il en devient indicible ? Les corps des deux tourmentés (car on devine que Bruno trimballe aussi son lot de casseroles) s’attirent, s’accrochent et se déchaînent dans une passion aussi vive que soudaine, mais il semble que les abîmes soient trop dissemblables pour que l’amour y survive. Peut-on rompre avec le passé et repartir de zéro ?
Pour une fois, ce roman ne raconte pas l’histoire d’une victime, mais celle de son bourreau. L’auteure met le doigt là où d’autres détournent le regard. Vous l’aurez compris, bien que ce roman se passe en Italie, on est loin de la Dolce Vita.
Une intrigue un peu lente, aussi lente que l’ascension des deux protagonistes en train de regagner leur demeure du bout du monde. On voudrait que le dénouement arrive plus vite. Patience !
Une plume puissante pour une histoire dure et sensuelle.
Extrait :
« On vous raconte que, face à la maladie, vous avez le temps de vous habituer, de vous faire une raison. Parce que les personnes que vous aimez, quand vous les voyez dans un tel état, tellement méconnaissables, à la fin vous voulez seulement y renoncer.Mais quelle raison? aurait voulu répliquer Emilia. Quelle habitude? Elle l'aurait gardée là, sur son lit médicalisé, pour toujours Même pesant trente-neuf kilos, même horrible, avec trois cheveux sur la tête, abrutie par la morphine. Pourtant toujours sa mère.Elle était égoïste, une fille unique gâtée. Mais vous n'avez qu'à essayer, vous, de continuer, après ».
Résumé :
Le seul moyen d'atteindre Sassaia, un petit village niché dans les montagnes, est un chemin de terre très raide, caché parmi les hêtres. C'est de là qu'apparaît un jour Emilia, cheveux roux et crépus, fine comme un bâton, une adolescente d'une trentaine d'années aux bottes de combat violettes et à la veste verte fluo. Depuis la maison voisine, Bruno assiste à son arrivée comme on assiste à une invasion. Cette femme a un accent « étranger » et un tas de sacs et de valises : que fait-elle là-haut, loin du reste du monde ? Lorsqu'ils se rencontrent enfin, chacun avec leur solitude, dans les yeux d'Emilia - "dénués de lumière, comme deux étoiles mortes" - Bruno pressent un abîme semblable au sien, mais de signe opposé. Tous deux ont connu le mal : lui parce qu'il l'a subi, elle parce qu'elle l'a commis - un mal dont elle a payé le prix par de nombreuses années de prison, mais qui ne peut être réparé. Sassaia est leur point de fuite, la seule solution pour échapper à un avenir auquel tous deux ont cessé de croire. Mais l'avenir arrive et suit ses propres lois ; que l'on soit coupable ou innocent, victime ou bourreau, le temps passe et nous révèle ce que nous sommes tous : infiniment fragiles, fatalement humains. Avec l'amour que seuls les grands auteurs savent consacrer à leurs personnages, Silvia Avallone a écrit son roman le plus mature, une histoire de condamnation et de salut qui explore les fissures les plus sombres et les plus profondes de l'âme pour les remplir de compassion, de vie et de lumière.

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