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Ma nouvelle en lice...en Italie !

  • Photo du rédacteur: murielmartinellaauteur
    murielmartinellaauteur
  • il y a 5 jours
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

C’est une adresse secrète quelque part en Italie dans le Val d’Aoste. L’hôtel fête cette année ses 100 ans. 100 ans faits de rencontres, de sourires, de souvenirs, dans ces montagnes à l'écoute, précieuses gardiennes de son histoire et de sa mémoire. À cette occasion, l’hôtel Bellevue organise un concours littéraire de nouvelles. L’Italien, le français et l’anglais sont acceptés. Le thème : ses cent ans d’histoire.

Lors de notre dernier séjour, c’est dans la piscine, en contemplant le grand tableau illuminé, réplique de la fontaine de Jouvence, que j’ai imaginé cette histoire.

Sera-t-elle sélectionnée pour le recueil qui va paraître en octobre ?




LES SYMBOLES DU TEMPS

Nouvelle de Muriel Martinella


« Tout se passe en souterrain. Les symboles — la roue du temps, la fontaine de jouvence, les cloches du passé, l’aigle royal, la vieille et le chat, le marcheur à la hotte, le moine et la grenouille, les gargouilles —tous ces symboles vous mèneront jusqu’à… Elle. Par Elle, vous remonterez un siècle en arrière, date de la création de cet hôtel. Mais n’oubliez pas, dans le secret de la paume réside votre avenir ! »

Ce message me laissa perplexe.

C’était notre premier matin à l’hôtel Bellevue, au pied du massif du Grand Paradis en plein cœur du Val d’Aoste. Nous venions y célébrer nos noces d’or. Anniversaire mentionné par courriel lors de la réservation avec l’espoir secret d’une pluie de pétales de roses sur la couette immaculée, d’une bougie dorée sur un gâteau ou d’un parterre de cœurs rouges au pied de notre lit.

Comme chaque matin, Laura, la patronne de l’établissement, était venue saluer ses hôtes à la table du petit-déjeuner. S’arrêtant devant la nôtre, elle s’était souciée de notre bien-être avant de nous féliciter pour notre demi-siècle de mariage. Puis, son regard bleu dans le mien, elle m’avait glissé cette missive refermant sa main sur la mienne d’un sourire énigmatique, et avait filé à la table suivante.

Je suis restée soufflée de surprise, les autres convives n’avaient pas droit à ce traitement de faveur. À l’évidence, ma petite supplique avait été prise en compte. Olivier et moi nous sommes empressés de déchiffrer le contenu de cet étonnant message.

— Tu vois, je te l’avais bien dit ! ai-je fait après lecture. Je pressentais que cet endroit dégageait un mystère !


Tout se passe en souterrain.

Au sous-sol se trouvait le spa. Un espace « bien-être »,  merveille de technologie moderne et d’authenticité avec ses pierres et son vieux bois qui s’étalait sur 1200m2. Alliage réussi de la technologie moderne et l’authenticité des charmes d’antan. Nous avons descendu les escaliers avec zèle sitôt notre dernier pancake avalé.


Une reproduction de la fresque moyenâgeuse La Fontaine de jouvence, éclairée de l’intérieur, se miroitait dans la piscine où nous nous sommes immergés avec délice. Alors que nous barbotions dans l’eau tiède, nous nous sommes amusés à le commenter : un bassin octogonal, surmonté d’une plus petite vasque habitée par Vénus et l’Amour. Dans son eau folâtraient plusieurs couples. Les hommes vêtus d’un simple caleçon, les femmes nues, mais portant encore leur haute coiffe. Sur la gauche, on hissait ou tirait dans la fontaine des vieux débarrassés de leurs vêtements. Ils ressortaient à droite pour se rhabiller jeunes, frais et dispos.


— Tu crois qu’on va rajeunir ? ai-je lancé en riant.


Au-dessus de nos têtes, en gardien des lieux, planait l’aigle royal. Derrière des vitres embuées, on pouvait remarquer, tournant lentement sur elle-même, la roue en bois d’un moulin de pierre : la grotte de sel.

Enveloppés de nos peignoirs, nous nous sommes retrouvés dans ses profonds fauteuils de cèdre, entourés de parois en blocs de sel rose. Tandis que nous respirions les vapeurs de particules iodées émanant du sel himalayen, je me concentrais sur la rotation de la machine. Soudain, j’ai vu, enfin il m’a semblé voir, la roue tourner à l’envers

— Tu vois ce que je vois ? ai-je demandé, éberluée, à Olivier.

— Elle se met à tourner dans l’autre sens, non ?


En sortant de la salle, notre regard s’est élevé vers les cloches accrochées aux poutres en haut des murs. Les fameuses cloches du passé, leurs beaux colliers de cuir patiné par le temps et la peau grasse des vaches qui les avaient portés. Nous étions sur la bonne voie, mais le secret de l’hôtel résidait ailleurs.

Nous nous apprêtions à remonter les escaliers alors qu’un dernier regard dans notre dos nous a fait découvrir ce qui nous avait échappé jusqu’alors : une main géante taillée dans le bois au bord du bassin.

N’oubliez pas, dans le secret de la paume réside votre avenir ! 

Une main de la taille d’un colossal fauteuil, paume ouverte, doigts écartés, et nous ne l’avions pas remarquée !


En caressant le bois rendu aussi lisse et doux que de la chair, je butai sur un nœud, une sorte de petit kyste situé presque à la saignée du poignet. Je ne pus m’empêcher d’appuyer dessus pendant que des frissons me parcouraient l’échine et que mon cœur s’emballait.

Je regardais Olivier, mon index toujours posé sur ce nœud de bois. Son expression frisait l’inquiétude.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? s’étonna-t-il, t’es toute blanche…

— Je ne sais pas. C’est comme si…

Je ne pus en dire davantage, comment traduire en mots les sensations qui déferlaient dans mon plexus solaire ? Toutes les fibres de mon corps m’avertissaient que la suite de l’aventure allait prendre un tournant extraordinaire.

Nous étions au cœur de l’étrange.


Les escaliers remontés précipitamment, les statues grandeur nature d’une vieillarde, son chat  à ses pieds, et d’un marcheur à la hotte, sentinelles éternelles du bain bouillonnant, ne purent se faire ignorer. Tellement exaltés par l’aventure qui s’annonçait, nous ne les avions pas remarqués en arrivant.

Notre anniversaire de mariage commençait sous les meilleurs auspices.


Le moine et la grenouille nous ont donné plus de mal avant d’être repérés. Il s’agissait de petites figurines de pierre grise dissimulées contre la vitre sans tain d’une autre piscine. On en a conclu que « ça » se passait de l’autre côté du miroir. Dans la zone « hammams, saunas ». Là, les gargouilles, yeux exorbités, crachaient l’eau de leur gueule en 0.

Nous touchions au but.


Et là, sur le tableau accroché au mur, une empreinte de pas incrusté dans la pierre fut le signe que j’attendais. Plus massive, plus longue qu’un pas humain, cette empreinte évoquait celle d’une patte d’ours. Un pas symbolique qui allait nous mener jusqu’à elle…

Elle…la grotte de l’Ours.

C’était là. Mon intuition, exacerbée en ces lieux, me criait que tout se jouait ici.


Guidée par ce sixième sens qui ne me quittait plus, il m’a fallu peu de temps pour déceler dans le mur une pierre en saillie, un peu branlante.

M’en emparant, la tournant sur la droite, puis sur la gauche, nous eûmes la surprise de voir un pan de la grotte en effet se dérober pour dévoiler lentement l’entrée secrète d’une alcôve sans fenêtre.

Nos yeux, s’habituant à l’obscurité, distinguèrent un bassin étroit, assez large cependant pour nous y faufiler à deux, avant de tourner le vieux robinet grinçant. Tandis que l’eau montait, bizarrement tempérée, une évidence s’imposa à nous : la véritable fontaine de jouvence se trouvait ici. La piscine n’incarnait qu’une réplique et il était clair que ce jeu de piste nous avait attirés jusqu’à ce bassin pour que nous en fassions l’usage.


La suite peut heurter les oreilles réfractaires au surnaturel. Fermez les écoutilles.

Immergés dans cette eau aussi tiède que le ventre de notre mère, nous nous sommes sentis partir, happés par un sommeil bienfaisant dans lequel nous nous sommes totalement abandonnés. C’était comme si nous avions atteint là un lieu de plénitude et de sérénité après lui avoir couru après toute notre vie.


À notre réveil, qui s’effectua en douceur, certains d’avoir atteint le paradis, nous nous sommes retrouvés dans un haut lit à baldaquin aux tentures de lin. Aux murs, des tableaux aux cadres dorés, au sol, des tommettes de brique rouge et tout autour de nous des meubles de bois cirés luisaient de mille feux.

Mais le plus extraordinaire fut de nous découvrir mutuellement beaux et jeunes comme nous l’étions à vingt ans. Nous n’en finissions pas de nous détailler, effleurant nos peaux devenues fermes et lisses, nos muscles et nos rondeurs retrouvés, avec autant de perplexité que de ravissement.


On toqua à la porte. Une femme de chambre à la sombre jupe longue fit son entrée précédée d’un gigantesque plateau qu’elle déposa sur un guéridon.

« Je souhaite la bonne journée à madame et monsieur ! Pour ce petit-déjeuner dominical, nous vous proposons aujourd’hui, les incomparables œufs à la neige de madame Scavarda*. Croyez-moi, ce sont les meilleurs ! Désirez-vous que j’entrouvre les persiennes afin que vous puissiez profiter de cette première journée d’été ? »

Nos yeux incrédules se sont dirigés sur le journal du jour posé sur le plateau. La date imprimée en première page nous sauta au visage.

Nous étions le dimanche 21 juin 1925, l'hôtel avait été inauguré la veille, et nous avions encore toute une vie devant nous.



*Non inventé. 100 ans après, on parle encore dans l'hôtel des oeufs à la neige de madame Scavarda ! (note de l'auteure)




La Fontaine de Jouvence
La Fontaine de Jouvence
La grotte de sel
La grotte de sel
L'aigle royal gardien des lieux
L'aigle royal gardien des lieux
La vieille au chat, sentinelle du bain bouillonnant
La vieille au chat, sentinelle du bain bouillonnant
La main géante en bois et le petit kyste...
La main géante en bois et le petit kyste...
Le pas de l'ours
Le pas de l'ours
La grotte de l'ours
La grotte de l'ours

 
 
 

4 commentaires

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Invité
il y a 4 jours
Noté 5 étoiles sur 5.

Je pense que ton texte a de bonnes chances d'être retenu. 😘


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Goy
il y a 5 jours
Noté 5 étoiles sur 5.

Pour connaître les lieux on s’y croit , on s’y voit. On se dit j’aimerais me réveiller il y a 50 ans mais finalement c’est angoissant J’espère que ton texte sera retenu 😘

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Murielmartinella
il y a 5 jours
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Et bien sûr, je t’embrasse !

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