Les cocoricos de l'inspiration
- murielmartinellaauteur
- 20 avr.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 mai
Cette fameuse page blanche que redoute chaque auteur, je ne la rencontre jamais. Peut-être parce que je triche. Je m’installe sur mon pondoir uniquement si j’ai quelque chose à pondre. Alors en cette veille de Pâques, laissez-moi glisser à ceux qui écrivent, mon modeste oeufpus pour minimiser la phoeubie de la page blanche. Quant aux lecteurs, peut-être sera-t-il intéressant pour eux de savoir comment survient le cocorico de l'inspiration.
On vous dira : « Établissez des objectifs de rédaction quotidiens, même s’ils semblent petits. Cela peut vous aider à créer une routine ! » Une routine ! Mais, que vient faire la routine dans le domaine de la création ? Va-t-on se mettre à composer des histoires comme on se brosse les dents matin et soir, comme on enfile ses chaussettes en commençant par la droite ? Les gens qui affirment « J’écris de 7 à 11 h quoiqu’il arrive, même si j’ai une rage de dents, même si ma mère vient de mourir » me sidèrent. Quant à se fixer des objectifs, cela me fait froid dans le dos. Cela me rappelle les « 10 000 pas par jour », les « 5 fruits et légumes » conseillés quotidiennement si l’on veut garder une bonne santé. L’écriture, la peinture, toute création à mon sens ne se programment pas sur un claquement de doigts !
Moi, je rédige lorsque je suis en « état d’écriture ». C’est-à-dire lorsque l’inspiration du moment ( pour un roman, une nouvelle ) envahit mon quotidien au point de ne penser qu’à
« ça », même pendant la plus anodine des activités ; lorsque mon sujet a suffisamment mariné dans son jus et qu’un état fébrile me gagne ; que des phrases me réveillent la nuit ; que mes doigts s’impatientent sur le clavier et que tout mon être semble possédé par mes personnages ou les situations. Avant et après cet état particulier ( qui dure peu de temps, il faut le saisir, après il retombe comme un soufflé ), aucun désir d’écriture ne se manifeste. En un mot, ce n’est pas moi qui choisis le moment d’écriture, c’est lui qui s’impose.
C’est maintenant ! Va sur le pondoir.
Si je n’ai pas de pondoir à disposition, en pleine randonnée par exemple, je me pose sur le premier rocher venu ( nous sommes dans une zone très minérale ), et rapporte au dictaphone de mon iPhone ce qui me vient, n’en déplaise aux sangliers qui pourraient m’entendre.
On vous dira : « Ne vous inquiétez pas de la qualité de ce que vous écrivez au début. Laissez simplement vos pensées s’exprimer sans jugement, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ».Oui, sauf qu’au bout du compte, on se retrouve vite fait nanti d’une liste de courses ou d'une litanie de reproches contre sa belle-mère. Alors, réfléchissez-y à deux fois.
On vous conseillera de changer d’environnement, car un nouveau cadre, tels un café, un parc ou même une autre pièce de votre maison peut stimuler votre imaginaire. Possible. Moi, je suis pour un minimum de déplacement corporel afin que seul s’active le non-physique, ma zone cérébrale. Je reste dans mon nid. C’est dans mon lit que j’écris le mieux. D’abord, la nuit, mentalement lors d’une insomnie. Brouillons de mes divagations nocturnes que je couche au propre en journée dès que j’ai un moment. D’ailleurs, à ce propos, ce qui me paraît si merveilleux, la nuit, m’apparaît bien insipide au matin. C’est curieux comme l’idée lumineuse de la nuit s’assombrit en journée. Mais l’idée est là, que je n’ai plus qu’à creuser, qu’à illuminer de ma création diurne.
On vous dira « Lisez pour vous inspirer ! Plongez-vous dans des livres, des articles, des poèmes que vous aimez ! » Oui ! cent fois oui ! Cela peut produire un son, une lumière, un écho et raviver sa passion pour l’écriture. En fait, il n’y a que la lecture de grands auteurs, de ceux qui me transportent pour mieux me faire chavirer, qui me motive à bégayer mes propres mots. Mes mauvaises lectures m’apprennent ce qu’il faut surtout ne pas faire et c’est instructif aussi.
Les sujets, eux, me sont directement inspirés par la vie. J’y puise ce qui m’étonne, m’enflamme, me peine ou me réjouit.
On vous dira « Faites des pauses ! Prenez du recul, cela peut vous aider à revenir avec un esprit plus frais. » Oui, tout à fait d’accord ! quand ça bute comme pile un âne sur la route, quand vous n’avez plus rien sous le pied, allez l’employer, ce pied, à marcher ( et pas sur des œufs ! ), à bouger, à danser !
À condition cependant que vous laissiez infuser quelque part dans votre cerveau la suite de votre histoire… C’est un état difficile à décrire. Vous laissez de côté, mais… c’est à proximité, à fleur de conscience. Vous n’y pensez pas, mais vous sentez qu’en même temps, « ça » travaille, « ça » germe, « ça » fermente pour donner plus, pour donner mieux au moment où vous vous y attendrez le moins.
Vous couvez en quelque sorte.
Et quelques heures ou quelques jours plus tard, la nouvelle idée, la nouvelle situation est là. Bing ! N’oubliez pas que même une courte sieste ou une séance de jardinage peut faire des merveilles…
On vous dira d’utiliser des « prompts d’écriture »… Alors là, j’avoue n’avoir pas su de suite de quoi il s’agissait. J’ai dû me faire aider du net pour découvrir ce que je savais déjà. Il s’agit de phrases qui peuvent donner une direction et vous aider à démarrer un texte. Vous pouvez en trouver en ligne ou dans des revues spécialisées. J’avais déjà pratiqué ce genre d’exercice avec un coach en écriture. Cela stimule l’inspiration en nous entraînant souvent dans des domaines auxquels nous n’aurions jamais pensé. Exemple, à partir de ce début de phrase « Le buvard arriva trop tard… », que pourriez-vous écrire ?
Au début, bof. Que dire sur un buvard ? Un carré de papier absorbant. Oui et encore ?
Qu’est-ce qu’il est censé absorber ton buvard ? De l’encre.
Et je me revois gamine, les doigts violets, à essayer d’éponger de mon stupide buvard les grosses taches que mon porte-plume a vomi ou pire, le contenu entier de mon encrier qui vient de se renverser sur mon pupitre.
Le texte titré « La noblesse a le sang bleu » est venu d’une traite :
« Le buvard arriva trop tard. La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc, étalait déjà ses tentacules. La page résista de toutes ses fibres, mais l’encre de seiche la mouilla jusqu’à faire d’elle une éponge marine au violet grotesque. Le buvard, imprégné de regret, considéra cette chose répugnante et s’en voulut. C’est lui qui aurait dû être à sa place, difforme, boursoufflé, à baigner dans sa marée noire. Il avait failli à sa tâche, n’avait pas assumé son rôle de protection. Quel fieffé marin d’eau douce ! Comment rattraper cela ?
Alors il but jusqu’à plus soif, absorbant, épongeant, essuyant, séchant l’encre de seiche qui avait gonflé la feuille de papier jusqu’à la faire ressembler à un poisson-globe. Et à mesure que le feuillet, de plus en plus blême, se vidait de son sang bleu, le buvard s’en alourdissait. Ce n’était, ni plus ni moins, qu’une transfusion de sang marin. Elle sauva la vie de la page, tandis que le buvard se mourait.
Saignée à blanc, la feuille vit son état s’améliorer. Elle connut bien d’autres stylos, reçut bien d’autres écrits. On gratta son papier jusqu’à la cellulose. Elle servit de support à des notes jetées dans l’urgence, à des croquis savamment esquissés, à un mot d’adieu griffonné à la hâte.
Mais jusqu’à sa mort, qui survint sous l’impulsion rageuse d’un gamin de quatre ans incapable de dessiner un cheval, flotta en son esprit l’image jaune pâle de ce jeune buvard qui, pour elle, avait donné sa vie.
La noblesse a le sang bleu. »
Et puis, n’oubliez pas que chaque auteur, qu’il soit écrivain ou scribouillard, traverse des moments difficiles, soyez patient avec vous-même. À quoi bon se faire des cheveux aussi blancs que votre page alors que vous pouvez très bien l’utiliser ainsi :
Joyeuses Pâques à tous !



Comme ça fait du bien de bon matin! On en lirait d'avantage !!!
C'est reparti ! 😀 Je t'embrasse Muriel.
Comme d’habitude vos textes démarrent gentiment et puis .. ça y est , on y est : c’est beau