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  • Muriel Martinella

Deux romans incomparables et pourtant...


Je viens de lire, coup sur coup, deux beaux livres qui n’ont, au prime abord, rien de comparable.

Le premier « Autant en emporte le chergui »d’Elen Brig Koridwen est une saga familiale qui se passe au Maroc dans les années 1950 à 1970.

Le second, « Bakhita », rapporte la vie de la sainte Joséphine Bakhita, ancienne esclave originaire du Darfour.

Deux récits poignants et intenses, deux portraits magnifiques de femmes qu’il m’a plu de réunir sur ce papier : Eve, l’enfant tardive des Lebureau, couple ruisselant de bonté qui vit à la villa Soleil au Maroc et Bakhita l’esclave revenue du Darfour…

Qu’ont-elles en commun ? La honte.

La honte pour Eva, touchante et rebelle, atteinte d’énurésie physiologique qui ravage son enfance jusqu’au début de sa vie d’adulte.

La honte pour Bakhita, d’être exploitée par les négriers, vendus à ses "maîtres" dont elle est devenue la propriété au titre de "biens meubles", tout comme des animaux ou des objets.

Mais si, pour ce dernier roman, le personnage central de Bakhita emporte sur les autres, de nombreux protagonistes peuplent l’aventure humaine marocaine de « Autant en emporte le chergui » tel Vic, deuxième personnage principal de même intensité que celui d’Eva, qui illumine le récit par sa personnalité torturée et forte, intelligente et débrouillarde. On suit les errances et les blessures de ces deux êtres réunis par la même attente de la vie, la même révolte face à l’injustice.

C’est une indéfinissable histoire de liens qui se crée entre les cultures et les générations au milieu d’une faune de chats ou de chiens recueillis par cette famille au cœur trop lisse et où Vic et Eva, surdoués et révoltés, se sentent trop à l’étroit.

Ce n’est pas un roman à haute intrigue ou multiples rebondissements. Il relate plutôt une atmosphère, une sorte de touffeur amenée par le chergui. C’est l’histoire d’un pays qui lutte pour son indépendance, l’histoire d’une famille qui a choisi de rester plutôt que de fuir après la fin du protectorat français. Il apporte la touche d’exotisme si recherchée dans les films et les romans puisque grâce à lui, on voyage du Maroc jusqu’en Israël et dans certains pays du proche et du Moyen-Orient. C’est ce genre de roman qui se savoure avec lenteur et attention parce que les phrases sont belles, la syntaxe irréprochable, le verbe juste et le style poétique.

Un style tout en pudeur et en sobriété qui, pour rester dans la comparaison, est non sans rappeler celui de Véronique Olmi dans Bakhita. L’auteur a su se glisser avec brio dans la tête de cette femme remarquable d’humanité que fut cette ancienne esclave devenue religieuse canossienne et canonisée en l'an 2000 par le pape Jean-Paul II.

Car, c’est toute la prouesse de ce livre, je trouve. De toutes les versions de la vie de Joséphine Bakhita plus ou moins romancées, celle de Véronique Olmi est certainement la voix qui s’est collée au plus près du récit qu’avait donné la sainte. Comment a-t-elle fait pour épouser ainsi l’esprit de cette femme ? Comment a-t-elle fait pour mettre des mots sur ce qui n’a jamais pu être écrit, raconter la vie de Bakhita telle que Bakhita elle-même n’a jamais été capable de la raconter ?

Aurait-elle aimé cette version de sa vie, elle qui aimait si peu se dévoiler ? Aurait-elle trouvé qu’elle lui rendait hommage ? Qu’elle la trahissait à l’instar des récits qui ont pullulé de son vivant et qu’elle n’avait pas même signés ?

En tout cas, on ne peut que saluer le travail de Véronique Olmi qui, cela est palpable, y a mis tout son talent et tout son cœur.

Un bijou de sensibilité.

AUTANT EN EMPORTE LE CHERGUI d’Elen Brig Koridwen. 510 pages.

Résumé : Le chergui est un vent de sable venu du Sahara, l'équivalent du sirocco algérien, mais au Maroc. Il sert de symbole à cette histoire incandescente qui commence à Casablanca et souffle à travers plusieurs continents et générations. "Elen Brig Koridwen a brossé le portrait magistral d'un des personnages masculins les plus charismatiques et romantiques de la littérature moderne" (Blog littéraire "Changement de couverture")

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BAKHITA de Véronique Olmi. 464 pages.

Résumé :Elle a été enlevée à sept ans dans son village du Darfour et a connu toutes les horreurs et les souffrances de l'esclavage. Rachetée à l'adolescence par le consul d'Italie, elle découvre un pays d'inégalités, de pauvreté et d'exclusion. Affranchie à la suite d'un procès retentissant à Venise, elle entre dans les ordres et traverse le tumulte des deux guerres mondiales et du fascisme en vouant sa vie aux enfants pauvres. Bakhita est le roman bouleversant de cette femme exceptionnelle qui fut tour à tour captive, domestique, religieuse et sainte. Avec une rare puissance d'évocation, Véronique Olmi en restitue le destin, les combats incroyables, la force et la grandeur d'âme dont la source cachée puise au souvenir de sa petite enfance avant qu'elle soit razziée.

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