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  • Muriel Martinella

« My absolute darling », attention chef d’œuvre !


J’ai beaucoup lu ces derniers temps. Je vous ferai grâce du compte rendu de toutes mes lectures plus au moins plaisantes. Mais celui que je viens de terminer « My absolute darling » de Gabriel Tallent, il faut que je vous en parle. Je ne peux passer outre, ce livre sort du lot et je sens qu’il va m’habiter pendant plusieurs jours. Je vous préviens tout de suite. On le lit l’estomac serré. Il aura fallu pas moins de huit années à son auteur pour écrire ce roman magnifique et parfois dérangeant. Il met en scène un père incestueux et sa fille adolescente, avec en arrière-fond l’époustouflante beauté du comté de Mendocino, en Californie du Nord. Dans ce roman, les personnages vivent dans la nature, se procurent leur nourriture en chassant, réparent leurs maisons, savent construire un archet à feu avec du bois flotté, dépecer un faon et se soignent tout seuls en improvisant l'amputation d'un doigt sans anesthésie, par exemple.

Il y est question de réchauffement climatique et de notre incapacité à préserver les espaces sauvages, ainsi que de la violence contre les femmes,

Martin, le père de Turtle est le personnage le plus flippant que j’ai jamais lu depuis « la nuit du chasseur ». Mais paradoxalement, « My absolute darling » est aussi une histoire d’amour entre un père et sa fille, même si le père, là, fait du mal à sa fille. Elle aime quelqu’un qui lui fait du mal, mais qui est lui-même empêtré dans ses douleurs. C’est l’ambivalence des sentiments de cette fille envers son père qui est traité ici, avec grand brio.

Dans ce roman, en bons survivalistes qu’ils sont, père et fille, une grande importance est donnée aux armes à feu. On démonte, on nettoie, on dégaine toutes sortes de pistolets ou de fusils et l’on tire à tout bout de champ, par jeu, par entrainement au début. Mais ça peut servir… Ça servira…forcément.

Il est question aussi de la nature. D’une belle nature. Ah, ces descriptions détaillées de la faune comme de la flore de la belle Caroline du Nord, paysage tout en plages et îlots rocheux de Mendocino. Il y a quelque chose du Moby Dick de Melville. Des descriptions simples qui ne cherchent pas à enjoliver le récit, non, elles sont là innocemment pour nous faire respirer les forêts de séquoias géants où des crapauds à ventre flamboyant se promènent, entendre la chute fracassante des cascade, goûter l’eau froide des rivières remplies de salamandres qu’on s’imagine attraper…

Et puis, il y a cette magnifique petite-fille, laide de son état, mais si attachante. Quelqu’un de blessé et qui tente de survivre avec grande intelligente. Elle survit grâce à sa capacité de comprendre ses interlocuteurs. C’est son unique passe-temps : tout ce qu’elle fait, c’est lire les autres, elle croit que sa vie en dépend. Insaisissable, inquiétante, merveilleuse, ce n’est pas étonnant qu’on la surnomme « Turtle » (tortue).

L’écriture ? Elle est brillante, flamboyante, pour peindre avec une infinie justesse et une grande délicatesse, les relations et les sentiments entre l'enfant martyr et ce père incestueux, manipulateur et humiliant.

A la fois thriller, roman d'aventures et histoire d'amour retorse, le récit donne lieu à des scènes sidérantes presque insupportables à lire. Mais c’est avant tout un roman sur la résistance. « J'ai toujours aimé ces histoires que vos amis vous racontent autour d'une bière, qui vous aident à comprendre quelque chose qui vous semblait étrange auparavant. Je voulais écrire de cette manière sur le fait de trouver le courage de résister quand la résistance semble impossible. » dit l’auteur. Horrible, fascinant, merveilleux…


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