Je viens de terminer un autre livre sur l'inceste, « Le confort de l’autruche » un récit, cette fois, émouvant, de Martine Magnin, qui se passe
en plein déni familial. On ne sait rien, on ne voit rien, on se tait, on fait l’autruche. Qu’y a-t-il de pire pour un enfant qui vit la maltraitance ? Le paradoxe est que, ce qui me reste de ce livre n’est pas l’horreur qu’a subi la petite Jenny (suggérée d’une pudique façon), mais la joie et le bonheur de vivre qui par contraste sont révélés. L’auteur, sans chercher à faire du misérabilisme, vous offre son chemin vers un futur lumineux alors que son passé était bien sombre de la même façon qu’autrefois une chambre noire était nécessaire avant la mise en lumière d’une photographie. Les années brouillard s’écoulent à la maison entre mère et grand-mère autruches, le beau-père, Monsieur M, le loup, l’ogre, celui dont toute petite fille devrait être tenue à l’écart en dehors des livres d’images. Quand on vit pareille chose, le corps s’en ressent. On ne grossit plus, on devient malingre, on perd la parole. Sous l’égide médicale, des séjours au vert sont envisagés. C’est ainsi que la petite Jenny se retrouve, de temps à autre, confiée à des homes d’enfants ou des fermes à la campagne. Malgré les conditions parfois rudes, c’est toujours mieux qu’à la maison. Et puis, la petite Jenny n’est pas une enfant difficile. On lui a toujours appris à être bien sage. Et le père géniteur dans tout ça ? Il a été mis à l’écart dès la séparation de ses parents. Il n’existe plus, il est mort, il faudra que la petite Jenny s’en accommode. Il resurgira pourtant, de la meilleure des façons alors qu’on ne l’attendait plus.
Le brouillard se dilue lors d’un séjour dans le sud, où Jenny va connaître enfin ce que le mot amour peut signifier grâce à un couple qui prend soin d’elle comme de sa propre fille. Et puis, dans le midi, le soleil brille, les couleurs s’enflamment parmi les fleurs du balcon, parmi les poteries vernissées de l’appartement et le linge multicolore qui court aux fenêtres… C’est le bonheur absolu jusqu’à la révélation qu’elle fera à celle qui la prise sous son aile… Elle a presque sept ans. « Tu sais Jenny, l’avertira sa grand-mère grinçante de menace alors qu’elles sont réunies devant le palais de justice, derrière ces murs, il y a plein de petites-filles enfermées parce qu’elles ont trop parlé ! » Jenny va-t-elle rejoindre le clan des autruches ? Je ne vous en dis pas plus et vous conseille vivement cette ode à l’enfance et cette victoire sur la vie écrit d’une plume délicate et précise. De la belle ouvrage !
L’auteure Martine Magnin, auteure de nombreux livres, est une passionnée de philosophie et de psychologie. Les relations humaines sont au cœur de ses écrits.
Le confort de l’autruche Récit paru à Fauves Edition 196 pages/18€