« Papa vient de tuer maman ».
Vous l’aurez compris, pour raconter ce moment effrayant, singulier, épouvantable, l’auteur a choisi, pour une fois, de faire s’exprimer les enfants. Car, pourquoi dans les affaires de féminicide ne s’intéresse-t-on pas davantage aux enfants pour raconter la stupéfaction, le chagrin épouvantable, les questions qui surgissent, la culpabilité, la colère qu’éprouvent la fille, le fils d’une mère morte sous les coups de leur père ? Parce qu’en tant que victimes collatérales, ces enfants n’ont pas droit à la parole. Ce qui prime sur tout le reste est le féminicide, la mort de leur mère tuée par leur père.
Et l’auteur a dit non ! Ce n’est pas parce que ces enfants sont des victimes mises de côté qu’elles doivent disparaitre. Il a voulu les rendre visibles en leur consacrant ce roman percutant et impressionnant.
Il le dit lui-même dans ses nombreuses interviews, il faut prendre le titre de ce livre « Ceci n’est pas un fait divers » comme un message, comme une provocation car souvent on range le féminicide dans la catégorie des faits divers. C’est juste ça. C’est évidement ça, un homme aime tellement sa femme qu’il la tue parce qu’elle veut le quitter, un crime de propriétaire en quelque sorte, l’homme tue sa femme, sa « chose » parce qu’elle lui échappe. Mais c’est beaucoup plus que ça…
Ce qui visiblement a intéressé l’auteur a été de traquer les sentiments, de comprendre ce qui se bouscule dans la tête ou dans l’esprit du tueur ou des enfants à ce moment-là. C’est de se glisser sous la peau de ses personnages pour ressentir leurs tempêtes intérieures et ceci, sans jamais basculer dans le pathos.
Mais surtout, par ce récit glaçant, l’auteur apporte de la chair, de la pâte humaine aux récits factuels que livrent habituellement les sociologues, les enquêteurs de la justice lors des féminicides.
Il était important aussi de raconter la reconstruction de ces enfants dont les existences ont été dévastées par ce drame. Comment vont-ils pouvoir reprendre une place dans le monde après une telle tourmente ?
Et c’est par la littérature, la fiction justement, qu’on peut toucher le sensible, les émotions, qu’on provoque l’empathie et le débat, qu’on fait réagir les esprits.
Pari réussi pour une prise de conscience salutaire et nécessaire.
Résumé :
"Papa vient de tuer maman". Passée la sidération, deux enfants brisés vont devoir se débattre avec le chagrin, la colère, la culpabilité. Et réapprendre à vivre. Philippe Besson s’empare d’un sujet de société qui ne cesse d’assombrir l’actualité : le féminicide. En romancier du sensible, il y apporte un éclairage singulier, adoptant le point de vue des enfants des mères tuées par leur conjoint, dont on ne parle que trop rarement. Avec pudeur et sobriété, ce roman, inspiré de faits réels, raconte la difficulté de vivre l’après, pour ces victimes invisibles
Philippe Besson est auteur, dramaturge et scénariste français, anciennement homme d'affaires. Il a été également critique littéraire et animateur de télévision.
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