J’ai eu froid, mon Dieu que j’ai eu froid !
Sont-ce les mesures gouvernementales qui sont à l’origine de cette température polaire ? De plus, il me semblait que les souffleries de la clim fonctionnaient à plein régime au-dessus de moi. Qu’importe ! De vous affirmer que la chaleur du public me réchauffât serait exagéré. Néanmoins, il me divertit et me fit oublier, à la faveur de quelques dédicaces, mes doigts glacés et mon dos transi.
En première journée, en bout de table près de l’allée centrale, j’étais en bonne compagnie. A ma gauche, mon amie Ève dans sa belle tenue blanche des années sixties (qui m’évoquait Marlène Jobert dans « Le passager de la pluie » ou Diana Rigg dans «Chapeau melon et bottes de cuir ») était venue présenter son brillant essai sur le bonheur.
Derrière moi, mon amie Nathalie, une sorte d’elfe ailée qui de son sourire et de ses yeux pétillants, papillonnait de partout à la fois, saupoudrant d’une trainée lumineuse ses nombreux ouvrages de fantasy, se retournant pour te demander l’air de rien de lui préparer une dédicace de ton propre livre (première vente, youpiiii), faisant office d’attachée de presse en te photographiant lorsque, pile, tu en as besoin (c’est-à-dire lorsqu’enfin une lectrice potentielle pointe son nez sur ton stand).
Il fallut attendre le début de l’après-midi pour que le public puisse rivaliser en nombre avec, venus de France et de Navarre, les 90 auteurs en train de faire le pied de grue derrière leur pile de bouquins. Pas un de plus, j’en mettrais ma main au feu ! Et ceci malgré, la médiatisation de l’évènement dans la presse, à la radio, les affiches et le bouche à oreille.
Les gens n’aiment plus sortir de chez eux. Surtout quand il pleut. Surtout quand il y a la coupe du monde de foot en pleine après-midi.
M’enfin ! Ne savez-vous pas que sans le lecteur, l’auteur se meurrrrrre ! (depuis que je suis chez Grrrr’Art éditions, je mets des r et grrrr à toutes les sauces.)
Bref, on venda, on vendit, on vendut, un peu, beaucoup, passionnément, mais pas à la folie.
Le petit café aux croissants, le petit apéro de 11h, la parlote avec les copains-auteurs et les très gentilles personnes venues m’acheter mes livres sauvèrent la situation, assez pour que j’aie envie, le lendemain, de revenir au turbin.
Ce lendemain-là, il faisait encore plus froid.
Ou alors, c’est qu’il y eut encore moins de monde. Mais je vendis, je vendus, je venda tout autant. Et autant de « Au-delà » que de « Hôpital » ! Moi, qui pensait que le premier était tombé en désuétude !
Ma douce amie Ève n’était plus là en cette deuxième journée. J’ai dû changer de place pour ne pas faire équipe avec une chaise vide, m’éloigner de mon elfe Nathalie, et composer avec l’homme invisible dans mon dos, une vacuité abyssale sur ma gauche (une rangée entière de tables vides) et l’allée centrale, qui, sans fourmiller de monde, animait un peu ma grande solitude.
A 11h, je fus annoncée au micro : « Muriel Martinella va vous lire quelques extraits de son livre « Hôpital, bruits de couloir ». Que ceux qui sont intéressés se rendent dans la petite pièce d’à côté ! ».
Je pris mes textes, mes lunettes, et guillerette, déposai une affichette sur mon stand « En lecture » et m’en fus dans l’antre du loup.
Sauf que le loup n’y était pas !
Deux ou trois personnes surgirent, la mine longue d’empathie, tu parles Charles, des copains-auteurs ! « On se doutait bien qu’il n’y aurait personne, puisqu’il n’y a personne dans la
salle ! »
« Ah, ben non, ne comptez pas que je lise devant vous ! Allons plutôt à l’apéro ! »
Heureusement, les auteurs-lecteurs programmés l’après-midi furent plus chanceux, bénéficiant d’un peu de monde malgré le match retransmis à la télévision.
L’après-midi s’égrena, doucette, gentillette. Je n’ai pas souffert d’une tendinite du poignet à force de dédicacer, mais loin de moi l’idée de me plaindre. Il se trouve toujours dans ces salons des gens fort sympathiques pour lesquels on se dit que jamais on ne les aurait rencontrés en dehors de cette circonstance.
Il y a ceux qui vous étonnent, qui passent au pas de charge devant votre stand l’air revêche sans même vous accorder un regard. Où vont-ils ? Pourquoi sont-ils venus ? Ceux-là, mieux vaut de les laisser filer.
Il y a les timorés qui font un pas de danse devant votre table, n’osant s’approcher.
Il y a ceux qui s’expriment tellement doucement que vous êtes obligé de vous arc-bouter par-dessus la table pour prêter oreille à portée de leurs lèvres.
Il y a ceux qui vous fixent sans un mot l’air sérieux et vous vous dîtes que dans deux minutes vous aller jouer au jeu « je te tiens, tu me tiens par la barbichette… ».
Il y a ceux qui restent un quart d’heure sur le stand avec un air tellement réjoui. Ils sont emballés, mais emballés ! Vous pressentez en retenant votre respiration qu’ils vont dévaliser votre stand de toute votre production avant de se diriger, tout sourires, vers celui d’en face sans rien vous prendre…
Il y a ceux qui vous demandent un titre de livre qu’ils ne trouvent pas dans les allées comme si on avait en tête tous les livres du salon …
Il y a ceux qui prennent comme une agression le fait que vous leur disiez « bonjour » comme s’ils allaient se faire dépouiller de leur porte-monnaie…
Il y a ceux qui d’un pas déterminé déboulent sur votre stand, prennent votre livre en un geste sûr et qui lancent avant tout commentaire de votre part « Je le prends ». Il y a ceux qui lisent devant vous sans dire un mot pendant de longues minutes, qui tournent les pages en se mouillant l’index, qui le reposent sans avoir relevé la tête et qui repartent sans demander leur reste et sans avoir jamais rencontré votre regard…
Il y a ceux qui se racontent. Ils parlent, ils parlent, ils n’en finissent pas de jacter et tout en parlant, sans même s’en rendre compte, comme pour s’occuper les mains, maltraitent votre livre, l’ouvrent, le referment, lui font subir mille torsions, tandis que vous pensez, effarée, que cet exemplaire-là sera bon pour le rebut.
Il y a les copains auteurs qui s’ennuient autant que vous, et qui viennent se renseigner sur le nombre d’exemplaires vendus et qui repartent la mine indéchiffrable sans avoir dévoilé leurs propres ventes.
Et parmi les visiteurs, j'ai eu le plaisir de rencontrer Cécile et Jean-Marc Moutet de la ferme-Théâtre à Lablachère que je ne connaissais pas. A ma grande surprise, avisant mon livre, ils m'ont dit connaître ma maison d'édition pourtant basée en région parisienne. J'ai donc appris que mon éditeur était également celui d'Alain Turban, la coqueluche de ces dames ardéchoises ainsi que celui de Bernard Sauvat ("Le professeur est un rêveur, il ne faut pas le déranger"... tube que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître) tous les deux auteurs-compositeurs qui se produisent en Ardèche, et encore celui du livre "Merci Jean Ferrat "qui rapporte les souvenirs d'amitié de l'éditeur avec le célèbre chanteur ardéchois.
Contente ! Mon petit livre Hôpital va se mettre à chanter !
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