Lettre ouverte à celle qui a grommelé dix fois par page.
- murielmartinellaauteur
- il y a 2 jours
- 8 min de lecture
Franchement, qu’est ce qui m’a pris d’ouvrir ce livre ?
L’été. L’envie de légèreté, une certaine nostalgie de la princesse Diana et son style iconique.
Et puis, j’ai lu ce récit comme un bon vieux roman aux relents de journal de Bridget Jones au masculin.
À ma grande surprise, je l’ai trouvé bien écrit. Pas par Harry, bien évidemment.
Au cours de cette longue lecture, je suis tombée sur quelques avis d’un site littéraire reconnu. Et l’un m’a interpelé par sa contradiction totale avec l’idée que je commençais à me faire du bouquin. Cette critique, brillante, assortie d’arguments discutables, m’a incitée à y répondre point par point lorsque je l’aurai terminé.
Chose faite, je me suis dit. Plutôt qu’écrire une énième chronique sur ce livre, pourquoi ne pas me servir de cette contre-argumentation pour rédiger mon texte ? Le lecteur en aura ainsi les versions noires et blanches. À lui de se faire sa propre opinion…
Lettre ouverte à celle qui a grommelé dix fois par page.
Décidément, vous en voulez à ce prince déchu. On pourrait croire à une vengeance personnelle.
Votre critique est assez exhaustive bien que vous avouiez n’avoir pas lu ce récit jusqu’à la fin. Quel dommage ! La partie la plus sensible, celle qui peut-être vous aurait fait fondre, s’y trouvait.
Vous semblez vous étonner que ce ne soit pas Harry qui ait rédigé sa biographie. C’est bien mal connaitre le monde du show-biz. Parmi l’abondance des titres de personnalités qui sortent leur biographie que ce soit dans le domaine de l’art, de la politique, du sport ou des faits divers, avec leur nom en gros caractère sur la couverture, qui écrit ? Mais personne ! ( à part certains journalistes ) non, ce sont ce qu’on a désigné longtemps par des « nègres », mais qu’on qualifie aujourd’hui de « prête-plume » ou d’« écrivain fantôme », c’est-à-dire des auteurs anonymes de haut niveau et quelquefois réputés, grassement payés pour que leur nom n’apparaissent pas (sauf infiltrations comme ici). Donc ce que vous reprochez à, appelons-le familièrement Harry, est le lot commun de toute célébrité qui publie.
Les envolées lyriques que vous jugez « ridicules » sont certainement du fait de Moehringer, puisqu’ainsi se nomme cet écrivain fantôme, pas si fantôme que ça, et qui a dû se lâcher un peu à partir de ce que lui racontait le prince. On imagine combien Harry a dû passer des heures sous le gril, pour révéler au monsieur, des détails intimes qui composent la croustillance du récit et qui sont relatés avec un parlé argotique pour plus de plausibilité. ( n’oublions pas que celui-ci est avant tout un capitaine de l’armée britannique, nanti d’un langage militaire de chambrées de casernes ) et j’ai trouvé que cela sonnait vrai. Cela confère du relief à l’écriture qui sans cela aurait été aussi ennuyeuse qu’un rapport de police. Mon Dieu, vos pauvres oreilles ont été écorchées. Il ne dit pas « je vais me coucher », mais « je vais me pieuter ! ». De là, à déclarer qu’« il n’est pas une lumière », c’est donner foi aux éternels ragots de la presse à sensation britannique.
C’est justement l’objet de ce livre : raconter sans filtre la propre version de son histoire, ce destin qu’il n’a pas choisi. Tenter de démontrer qui il est véritablement, et non pas cet être immature et tête brûlée que la presse à scandale a construit à force d’affabulations grotesques depuis son adolescence. Il faut croire que ces calomnies vous ont lavé le cerveau puisque vos a priori demeurent intacts et que son autobiographie ne vous a pas convaincue.
Accusations de triche, de racisme, de nazisme ( Harry en profite pour éclairer le fameux épisode du déguisement ), nombreux surnoms blessants : les tabloïds ne le lâchent pas.
Ses « lamentations » vous agacent ? Mais qui accepterait de se voir mettre en pièces par les médias sans se plaindre ?
La mort de sa mère a été pour lui un véritable traumatisme. D’abord, on ne lui a pas permis de pleurer. Son père est venu le réveiller pour lui annoncer la chose avec une main sur l’épaule et un « ça va aller ! » comme tout réconfort. Il avait douze ans et n’avait que sa mère pour lui prodiguer tendresse et affection. Il a longuement douté de sa disparition, persuadé qu’elle se cachait quelque part.
Il raconte ensuite l’enterrement de Lady Di, comment les gens sanglotaient, lui serraient la main, les paumes humides. Comme ça le dégoûtait et le culpabilisait, lui qui, trop profondément imprégné de l’éthos familial, selon lequel il était interdit de pleurer.
Plus tard, après enquête, il a su que la dernière chose que les yeux de Diana aient vue sont des flashs de photographe, la dernière chose qu’elle ait entendue, les clics des appareils photo. Photos qu’il a eues entre les mains, la voiture après l’accident illuminée d’éclairs jaunes alors que la princesse était inconsciente.
Comment ne pas en vouloir aux paparazzis après cela ?
Ses prétendus mensonges vous irritent tout autant. Et pas des moindres ! voyons plutôt : Harry ose avancer que sa mère était enseignante en maternelle alors qu’elle n’était que « nanny ». Oh le pervers ! mais c’est monstrueux des inventions pareilles ! comment a-t-il pu ?
Par contre, qu’on dise de lui qu’il est accro à la drogue, au sexe ou à l’alcool, alors qu’il n’a pas plus débordé que les jeunes de son âge ( il avoue à plusieurs reprises avoir fumé de l’herbe ), qu’on lui prête les pires intentions partout où il va tandis qu’il est sur le front en train de se battre pour son pays, cela ne vous dérange pas ?
Harry estime que son père n’est pas un bon père, mais vous, vous estimez que si. Qui vivait avec lui ?
Il se plaint de la vie au château de Balmoral qui est loin d’être aussi rose qu’on pourrait le croire et vous mettez sa parole en doute ? Moi, j’ai pris comme argent comptant ce qu’il rapporte de son enfance. Il l’a vécue ainsi. Et ce livre est un véritable règlement de compte avec les médias, mais également avec sa propre famille.
Cela ne vous aura pas échappé que les agissements de son frère et de son père ont été pitoyables, stupéfiants de lâcheté ( « Ils avaient cautionné ces absurdités, pris le risque de ruiner ma vie… pour faciliter la leur » ).
Par contre, Harry aimait beaucoup la reine, sa grand-mère, et la respectait même si elle était souvent intraitable.
Vous assurez « grommeler dix fois par page ! « pour peu que l’on connaisse l’histoire de cette famille ».
Mais comment la connaissez-vous, vous, l’histoire de cette famille ? avez-vous travaillé au château de Windsor ? avez-vous des gênes en commun ? faites-vous partie de ses amies ? ou la connaissez-vous par le biais d’articles people, émissions, ou romanesques séries télévisées dont on nous abreuve à longueur de temps ?
Pourquoi refuser de croire la version du protagoniste qui se raconte dans un souci d’authenticité ?
Venons-en à la fameuse scène de la chasse au cerf qui a manqué vous faire tourner de l’œil. Parce que le jeune prince, une fois la bête abattue, a eu, par un rituel de son instructeur, la tête maintenue enfoncée dans les entrailles de l’animal. Une sorte d’initiation ou de bizutage tout à fait critiquable, j’en conviens. Je suis pour ma part contre toute forme de chasse ou de corrida. Mais dans la mesure où l’animal ne souffre pas, je respecte, tout en ne les comprenant pas, les traditions qui perdurent depuis des siècles. Je n’ai rien vu de cruel dans son comportement envers les animaux (en dehors de leur abattage auquel je ne me ferai jamais) et Dieu sait si je les aime.
Vous vous demandez pourquoi il s’obstine à écrire son autobiographie alors qu’il se prétend amnésique de tous souvenirs antérieurs à la mort de sa mère. Vous auriez dû poursuivre votre lecture, vous y auriez appris que ces dernières années, le prince a entamé une psychanalyse et que peu à peu, les souvenirs ont refait surface. Vous y auriez appris combien sa mère, de son vivant, a été aimante et protectrice, combien lui et son frère étaient heureux avant le drame et vous auriez compris que ce « prince de mes chaussettes sales » comme vous le nommez, est un adulte demeuré petit garçon au deuil impossible à digérer, sans communication envisageable avec son père — même si Harry confie de beaux moments passés avec lui et la tendresse pleine de retenue qu’ils se portent mutuellement —.
Car le personnage le plus présent dans cet ouvrage est certainement Diana. Harry fait constamment référence à sa mère, dans des séquences parfois très émouvantes.
Et puis, il y a quelque chose qui vous manque cruellement, c’est l’humour.
Ce livre en est truffé, et j’ai souri plus d’une fois.
Même l’épisode qui vous a fait froid dans le dos devrait être pris sous forme d’humour ou comme une grosse fanfaronnade. C’est lorsqu’il donne l’ordre à un avion de combat de prendre en chasse la voiture dans laquelle roule son père, qui vient de le saluer au travail ( « Nouvelle cible. Audi grise ». « Le Typhoon a suivi Papa et survolé son Audi à basse altitude, manquant faire voler les vitres en éclat. Mais il l’a finalement épargné. Sur mes ordres. Il est allé réduire en miettes une grange en tôle. ».
Vous le traitez de dangereux psychopathe, « un être sans une once de conscience, cruel et inhumain ». Sérieux ? Vous avez marché ? Vous êtes le genre à qui l’on ne peut pas raconter de blagues ? Pensez-vous que, s’il avait vraiment eu l’intention de tuer son père, il l’aurait écrit au monde entier ?
Vous m’avez cependant fait rire quand vous avez qualifié Harry d’un « Groseille échoué chez les Quesnoy ». Son malheur aurait été de naître dans une famille qui ne correspond pas à sa nature profonde.
Pas mal trouvé et certainement vrai.
Vous dîtes n’avoir appris aucune révélation mise à part le savoir-faire très maîtrisé de la vinaigrette par la reine mère. Je me suis probablement moins enivrée que vous du parfum de scandale qui survole la cour, car je m’en suis encore laissé conter. Par exemple, le pénis du prince a gelé lors d’une expédition au pôle sud ( tout tout tout, vous saurez tout sur le zizi d’Harry ! ) Il avoue avoir tué au front, 25 talibans ( bizarre et choquant, cet aveu ), il a perdu sa virginité avec une vieille… Mais j’ai surtout appris que dans les familles royales, comme dans toute famille, les frères s’escarmouchent par SMS interposés durant des batailles allant jusqu’à 72 h.
Pour clore votre critique, vous vous faites la relève d’articles affirmant que sa femme Meghan a, je cite, « probablement enfoncé le couteau dans les plaies de son époux, afin d’avoir sur cet homme faible, paumé et souffrant d’amnésie, davantage d’emprise ».
Encore une fois, vivez-vous avec le couple ? Même parmi les couples de son entourage, on ne sait jamais vraiment qui porte la culotte. Un jour l’un, un jour l’autre, chacun y passe à se faire mener par le bout du nez. Mais vous, vous savez, et grâce à qui ? Pas à votre petit doigt, mais grâce au Gala de votre salon de coiffure.
« Torchon nauséabond, confidences d’un homme déséquilibré, pervers et malhonnête », écrivez-vous… rien que ça.
Moi, j’ai été intéressée par cette grande introspection de 541 pages ( si on enlève les passages — assommants pour moi —, parcourus en diagonale, sur sa carrière militaire et ses mois de guerre en Afghanistan ). J’ai éprouvé de la sympathie pour ce prince déchu face à ses dragons, ai apprécié de me plonger au cœur du réacteur monarchique dont il a été l’un des acteurs pendant plus de trente-cinq ans, démystifiant ainsi une institution millénaire.
Le Suppléant face à l’Héritier.
Harry, le plan B.
Voilà qui pourrait résumer le livre. Ce n’est pas qu’un règlement de compte ( William, l’héritier du trône, et son père étant les principales cibles ), Harry souligne à de nombreuses reprises à quel point il aime sa famille. Par cet ouvrage, il souhaite simplement justifier sa fuite avec son épouse du Royaume-Uni pour la Californie.
Aura-t-il réussi cet enjeu ? Les coups de corne envers sa famille ne me semblent pas avoir été le pont idéal pour une réconciliation.
Et la suite a été courue d’avance. Le palais de Buckingham, comme à son habitude s’est contenté du silence en guise de réaction. Mais il serait mécontent !
Ah, comme cela fait du bien les lectures d’été…
RÉSUMÉ
C’est l’une des images les plus marquantes du XXe siècle : deux jeunes garçons, deux princes, marchant derrière le cercueil de leur mère sous les regards éplorés – et horrifiés – du monde entier. Alors que Diana, princesse de Galles, rejoignait sa dernière demeure, des milliards de personnes se demandaient à quoi pouvaient bien penser les princes à cet instant, ce qu’ils ressentaient – et quelle tournure allait prendre leur vie désormais.Pour Harry, voici enfin venu le moment de raconter son histoire.D’une honnêteté brute et sans fard, LE SUPPLÉANT est un livre qui fera date, plein de perspicacité, de révélations, d’interrogations sur soi et de leçons durement apprises sur le pouvoir éternel de l’amour face au chagrin.

Vous m'avez presque donné envie de lire ce livre.. mais j'ai une PAL monstrueuse..