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Nous serons tempête

  • Photo du rédacteur: murielmartinellaauteur
    murielmartinellaauteur
  • 19 sept.
  • 3 min de lecture

Porté par un lyrisme puissant, ce roman risque de vous hanter longtemps. Il n’est pas sans me rappeler cet essai remarquable de Clarissa Pinkola Estés, « Femmes qui courent avec les loups » et qui explore la psychologie féminine à travers des mythes et des contes. Comme dans ce livre, ce roman encourage les femmes à découvrir en elles la femme sauvage, libre, connectée à ses instincts. 

Il nous plonge dans l’enfer d’une Amérique esclavagiste, parmi les plantations de canne à sucre avec des scènes d’un réalisme et d’une précision historique époustouflants.


C’est aussi une ode à l’amour maternel, une belle histoire de transmission grâce au portrait de trois générations de femmes, héritières d'une lignée de guerrières avant d'être asservies.

Ce roman n’est pas un roman de plus sur l’esclavagisme. Il en rapporte l’enfer certes, mais, par sa poésie, en éclabousse de lumière sa noirceur. Si j’ai aimé l’expression exaltée des sentiments, des passions, j’aurais préféré toutefois que les esprits de la nature ne soient pas aussi présents. Devenus personnages à part entière auxquels on prête voix et physique, ils m’ont un peu dérangée dans le déroulement de l’histoire par leur intervention un peu trop fréquente à mon goût. J’aime pourtant lorsque le visible et l’invisible communique, mais que cela soit rapporté de façon plus subtile. Cela donne ici un récit singulier qui perdra quelques lecteurs en chemin. Par contre, il est plaisant que ce lyrisme transcende de belle façon les scènes difficiles et autres actes barbares.


Assorti d’une écriture charnelle et sensuelle, un brin féministe qui percute, gageons que ce roman, sorti fin aout, fera date et deviendra un classique de la littérature.


Résumé :

Annis est encore une enfant quand sa mère est vendue à un autre propriétaire. Et n'est guère plus âgée quand son maître, qui est aussi l'homme qui a violé sa mère, se débarrasse d'elle avec d'autres esclaves.

Lors de leur terrible marche vers les plantations de La Nouvelle-Orléans, Annis tente de se raccrocher à la vie et aux enseignements de sa mère : se battre, toujours, avec les armes et les sagesses qu'elle lui a transmises. Avec la mémoire aussi, celle de ces femmes qui, avant d'être arrachées à leur terre, ont été les guerrières des rois du Dahomey. Et avec la seule force qui lui reste, sa connaissance des plantes, des abeilles, de cette nature qui semble si hostile aux yeux des Blancs et qui pourtant est nourricière pour qui l'honore.

Et puis, quand Annis se sent sombrer, elle peut encore implorer Aza, l'esprit de sa grand-mère, capable de faire gronder l'orage et tomber la pluie. Celle qui, quand la faim et la douleur se font trop fortes, lui murmure qu'un jour, elle et ses frères et sœurs de malheur seront tempête...


BIOGRAPHIE

Jesmyn Ward Jesmyn Ward est née à DeLisIe, dans l'État du Mississippi. Issue d'une famille nombreuse, elle est la première à bénéficier d'une bourse pour l'université. Après son premier roman, Ligne de fracture (2014 ; 10/18, 2019), elle explose sur la scène internationale en remportant le National Book Award pour Bois Sauvage (2012 ; 10/18, 2019). Ses Mémoires, Les Moissons funèbres (10/18, 2019), se sont vus récompensés du MacArthur Genius Grant. Avec Le Chant des revenants (2019 ; 10/18, 2020), Jesmyn Ward a accompli un exploit inédit : être la première femme double lauréate du National Book Award. Le roman a aussi remporté le Grand Prix des lectrices Elle et le prix du Meilleur Livre étranger. Après six ans d'absence, elle revient avec Nous serons tempête, d'ores et déjà qualifié de classique par la critique américaine. Jesmyn Ward enseigne la littérature à l'université de Tulane, en Lousiane, où elle réside.


EXTRAIT

« Elle sera toujours près de moi. Je le comprends à travers ma respiration hachée. À travers mes mains crispées. J’ai la certitude que je verrai son reflet dans la brillance tavelée de la lune et son éclat fragile. Je la verrai parmi l’infinité d’étoiles fichées dans le ciel de mélasse. Je la verrai dans mes mains qui se rideront, mes cheveux qui blanchiront. Après mon dernier souffle, au terme de mon labeur et de mon temps, je sais que c’est elle qui me fera franchir l’Eau. Maman. Je le sais comme je sais que les chiens au loin fouillent les buissons de la berge et lèvent la truffe pour aboyer de concert, leurs voix aussitôt emportées par le vent : frénétiques et affamées. Un éclair illumine la rivière, le tunnel des branches qui la surplombent, s’entortillent au-dessus de mon radeau et de moi, m’incite à les suivre. Mais alors un coup de tonnerre retentit et s’enroule autour de moi.

Je fonds en larmes et mords les aiguilles de pin. La résine, âcre, envahit ma bouche. »


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