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L'amour de François Bégaudeau aux éditions Verticales


Ne vous fiez pas à son titre en minuscule.

J’ai beaucoup aimé ce petit roman de 90 pages sans chapitres qui retrace en accéléré, et avec humour et  dérision, la vie de Jeanne et de Jacques depuis leur rencontre dans les années 70.

François Bégaudeau réussit cette prouesse : narrer un demi-siècle d’une vie qu’on pourrait qualifier de banale en nous emportant dans le tourbillon poétique de son écriture. Beaucoup d’ellipses évidemment, toute une vie en 90 pages dans un style très parlé, vous pensez ! mais aussi, paradoxalement, une multitude de détails et de références sociologiques ou politiques bien françaises sur les conditions d’existence d’un couple issu d'un milieu modeste, sur les chansons de l’époque tels les violons de Maxime Le Forestier ou de Richard Cocciante sanglotants dans l'électrophone qui rappelleront bien des choses à ceux qui n’ont plus vingt ans depuis longtemps. (Ah ben tiens, eux aussi ! ). Que celui qui ne s’est pas reconnu me jette la première pierre ! On passe de la radio cassette au CD, du téléphone à fil au mobile,  de la 3 CV à la… qu’importe ! Nostalgie, quand tu nous tiens ! même pour un auteur d'une génération plus jeune que ses protagonistes.

J’ai trouvé vraiment intéressant le fait qu'il choisisse de mettre en exergue certains éléments plutôt que d’autres parmi les petits riens qui composent une vie. Étrange tri de la mémoire ou volonté de sa part de laisser libre court aux lecteurs d’imaginer les blancs en interstice.

J’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire, déroutée par le style expéditif. Je ne voyais pas où l’auteur voulait en venir, mais le thème a fait que j’ai choisi de continuer et ne l’ai pas regretté, amusée très souvent… pour verser ma larme à la fin. Car je veux bien que le mot « amour » ne soit jamais prononcé dans ce livre, qu’il ne déchaine pas les passions. Mais alors, comment appeler le sentiment de ceux qui s’accompagnent pendant cinquante ans avec leurs connivences et leurs chamailleries, leur complicité et leur tendresse ? Ces deux-là s’aiment, c’est évident même s’ils ne le manifestent pas et que le narrateur lui-même reste économe sur le lexique et le langage corporel amoureux. Reste qu’en définitive, demeure quelque chose de beau, de particulièrement émouvant de la traversée de ce long fleuve tranquille d’amour. Et là où certains y auraient mis un petit « a », moi j'y mets une majuscule.


Extrait d’une joute verbale sur le grand débat, l’immense dossier historico-diplomatique du pain :   “Dans le même genre, Jacques ne comprendra jamais qu'elle préfère entamer le pain frais plutôt que de finir le pain d'hier. Et pas la peine de venir nous raconter qu'elle en fera du pain perdu, elle n'en fait jamais. Ce que Jeanne peut éventuellement reconnaître, mais pour aussitôt observer qu'à ce compte-là ils ne mangeront jamais de pain frais. Si on mange le pain du jour le lendemain du jour, on mange toujours du pain d'hier. Ce à quoi Jacques objecte que ben voyons.”

Extrait sur leurs différends : "Jacques énerve Jeanne à mettre des cornichons avec tout, à manger la peau du saucisson sec, à remettre un tee-shirt sale", "Jeanne énerve Jacques à répéter qu'il n'en fout pas une alors que dès qu'il aide elle l'engueule, à nager la tête hors de l'eau pour garder les cheveux secs, à sortir l'aspirateur pour une miette".


 

RÉSUMÉ

" J’ai voulu raconter l’amour tel qu’il est vécu la plupart du temps par la plupart des gens : sans crise ni événement. Au gré de la vie qui passe, des printemps qui reviennent et repartent. Dans la mélancolie des choses. Il est nulle part et partout, il est dans le temps même. Les Moreau vont vivre cinquante ans côte à côte, en compagnie l’un de l’autre. C’est le bon mot : elle est sa compagne, il est son compagnon. Seule la mort les séparera, et encore ce n’est pas sûr. " F. B.



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